Engager sans délai la sortie du Capitalisme !
Sous le choc de l’actuelle pandémie planétaire, de multiples voix s’élèvent pour appeler à la reconstruction d’un nouveau monde, ce que d’aucun.es appellent déjà le « monde d’après ». Pour les classes dominantes, ce « monde d’après » ressemble furieusement au monde d’avant. La fragilisation de nos sociétés est pour elles une occasion rêvée de renforcer leur pouvoir et leur domination en se cachant derrière une expression consensuelle. Pour d’autres, « le monde d’après » exprime un vrai désir de changement, déjà traduit par un grand nombre d’initiatives pour le moins hétéroclites (appels, propositions de rencontres, programmes de déconfinement, etc.). Mais, sauf exception, ces initiatives ne vont pas jusqu’à remettre en cause le capitalisme lui-même. Or, c’est bien le capitalisme qui a rendu possible l’émergence du coronavirus – et qui prépare déjà les prochaines pandémies – en surexploitant la nature et en détruisant les habitats de la faune sauvage. Et c’est bien sa soif sans limite de profit, qui, en laminant nos structures de santé et en sapant nos systèmes de solidarités, lui a conféré sa dimension dévastatrice et meurtrière. Ce virus agit comme un révélateur et met à nu la vérité profonde du capitalisme. Il n’est plus qu’une fuite en avant irresponsable et suicidaire attisée par la mise en privée du monde et l’auto-valorisation sans limite du Capital. Crise financière de 2008, crise sanitaire du Covid19, guerres à répétition, crise climatique à peine commençante, crises humanitaires et sociales… la logique à l’œuvre est toujours la même. Le capitalisme génère des problèmes globaux qui brutalisent et déstabilisent nos sociétés, et, loin de les résoudre, les solutions qui s’inscrivent dans sa logique, aggravent ces problèmes jusqu’à les rendre dramatiques. Capitalisme, c’est donc aujourd’hui le nom d’une crise globale de civilisation, constituée de multiples crises imbriquées les unes dans les autres : crise économique, crise politique, crise sociale, crise écologique… Une crise globale qui porte en elle la mort en détruisant la planète et en ruinant tout ce qui fait notre humanité. Une crise globale qui devient incontrôlable, parce qu’en nous privant de tout pouvoir sur nos vies et sur la marche du monde, le capitalisme nous empêche d’intervenir à hauteur de ce qu’il est nécessaire de faire pour redresser la barre et changer radicalement de direction. Dit autrement, il fonce droit dans le mur et nous embarque avec lui dans sa course folle. Voilà pourquoi selon nous, il n’est pas exagéré d’affirmer que le capitalisme est entré en phase terminale.
Voilà pourquoi nous affirmons qu’il n’y a qu’un seul moyen réaliste d’éviter les catastrophes imminentes qui viennent, et nous menacent d’un chaos dont il sera très difficile de sortir : engager sans délais la sortie du capitalisme en enclenchant la marche en direction d’une société sans classes où notre sort cessera d’être absurdement subordonné aux intérêts égoïstes d’une infime minorité. La tâche est énorme mais nous n’avons plus le choix.
Certes, ce « Capitalexit » peut sembler hors d’atteinte, voire utopique. L’un des effets les plus mortifères du capitalisme, c’est de nous faire croire qu’il n’y pas d’alternative. C’est de nous rendre impuissants pour désirer, concevoir et faire advenir un futur qui soit le nôtre, à partir d’une compréhension approfondie et élargie de la réalité et d’une appropriation politique des opportunités qui la traverse. Pourtant, l’après-capitalisme n’a rien de chimérique. Au contraire, il est plus que jamais un futur possible. De la productivité sans précédent du travail à l’élévation générale des niveaux de qualification, en passant par l’amorce de communisation du pouvoir économique que représente l’existence de la cotisation sociale, les moyens matériels, intellectuels et sociaux afin de résoudre, dans l’intérêt général, nos lourds problèmes d’aujourd’hui et de demain sont là. Trop peu encore, mais de plus en plus, sont celles et ceux qui prennent conscience de la possibilité d’engager dès maintenant la sortie du capitalisme. En témoigne de manière encourageante la multiplication des espaces de vie en rupture avec le système dominant. C’est dans la prise de conscience générale de cette possibilité qu’est le germe décisif d’un après-capitalisme viable, désirable et émancipateur.
Vers quelle forme concrète de société plus humaine s’agit-il d’aller ? Seul devra en décider le débat public, à chaque pas, démocratiquement arbitré entre citoyennes et citoyens bâtissant ce nouveau monde. Mais on peut dire sans risque d’erreur qu’il travaillera à déployer notre pouvoir commun de décision et d’intervention dans tous les domaines qui façonnent le monde. En rendant progressivement irréversible notre appropriation commune et directe des moyens de production et d’échange, ce que dessinent certes à petite échelle et de façon partielle, l’économie sociale et solidaire, le monde associatif et les nombreuses expériences autogestionnaires, il mettra fin au règne de la propriété lucrative qui n’a comme seule logique l’accaparement privé des richesses sociales et pour seul horizon le profit immédiat. Il garantira notre droit individuel et collectif à la propriété d’usage des entreprises et de tous les modes d’activités sociales, nous rendant ainsi maîtresses et maîtres des conditions, des moyens et des finalités de notre travail. En tournant le dos à la marchandisation pour lui substituer une coopération généralisée dans un esprit d’émulation et d’autonomie d’initiatives, en vue de rechercher et d’atteindre le bien commun, il cherchera à conjuguer satisfaction des besoins sociaux, épanouissement des personnes et respect de notre environnement. En faisant de la politique une compétence partagée, il permettra à tout.es et à chacun.es d’être pleinement associé.es à la conduite des pouvoirs publics.
L’heure n’est plus aux demi-mesures qui s’épuisent à relancer et à réguler un système à bout de souffle. Même dans nos initiatives le plus modestes, nous devons commencer par les fins en pensant en agissant au-delà du capitalisme et en avançant dès maintenant vers une société sans classe produite par et pour l’émancipation de chacun.ne et de toutes. Faire partager très largement cette conviction est la première tâche que s’assigne IC.
Mais comment sortir du capitalisme ? L’histoire nous a appris que bien des voies supposées y parvenir n’étaient pas les bonnes. La conquête insurrectionnelle du pouvoir politique par une minorité agissante a débouché sur une dictature doublée de bureaucratie rendant impossible l’émancipation générale visée. D’un autre côté, l’accession démocratique par la voie électorale à la direction de l’État s’est avérée presque systématiquement récupérable par le capital, amenant à une vraie trahison des engagements pris devant le peuple. Le pouvoir d’intégration politique de l’État capitaliste, c’est-à-dire, sa capacité à faire intérioriser et accepter ses normes aux forces mêmes qui le contestent, a été, et est encore fortement sous-estimé. C’est ainsi que les forces de changement qui ont fait reposer leur espoir de transformation de la société sur la conquête électorale du pouvoir d’État, se sont retrouvées à leur tour plus ou moins progressivement conquises par l’État et digérées par le système.
Quant aux multiples alternatives de terrain (coopératives, ZAD, etc.), elles préfigurent de réels « possibles » émancipateurs. Mais sans coordination entre elles, ni montée en généralité politique de leurs activités, elles ne peuvent parvenir à créer un rapport de forces susceptible d’imposer une sortie générale du capitalisme.
Il nous faut donc inventer une voie inédite de sortie du capitalisme. Et c’est la dynamique-même de celui-ci qui peut nous mettre sur la voie. En effet, face à une formation sociale qui nous dépossède de tout pouvoir sur nos vies alors même que nous avons aujourd’hui toutes facultés de les prendre en main, une stratégie de transformation révolutionnaire ne peut être à la hauteur de son ambition que si elle est déterminée à défier les capitalistes sur ce terrain du pouvoir dans toutes les dimensions de la vie sociale. Là se situe le décisif clivage de classe qui existe entre nous et l’infime minorité qui nous dépouille de nos capacités et nous prive d’avenir. Ce qui est à l’ordre du jour, ce n’est rien de moins que l’enclenchement d’un mouvement général d’appropriation commune et directe de tous les pouvoirs et de toutes les puissances sociales.
C’est donc à une levée en masse autogestionnaire, à un véritable révolutionnement démocratique conduit et piloté par la classe des « dépossédé.es », soit l’immense majorité de nos concitoyennes et nos concitoyens, que nous appelons. Il s’agit d’engager sans attendre une intense entreprise de conviction, une gigantesque bataille d’idées couplée à des initiatives pratiques visant à transformer dès à présent et concrètement les rapports sociaux dans un sens postcapitaliste et à nous rendre maîtresses et maîtres de nos lieux de travail et de nos espaces de vie. Simultanément, il s’agit aussi de coordonner l’ensemble de ces initiatives afin qu’elles montent en généralité politique et qu’elles forment progressivement et successivement un ensemble de réformes révolutionnaires qui, en prenant peu à peu force de loi et en s’institutionnalisant, reconfigurera l’ensemble de la
société dans un sens postcapitaliste. Nous appelons cette esquisse de stratégie politique : évolution révolutionnaire.
Ce n’est qu’en reposant sur l’action concertée et déterminée du plus grand nombre que cette dynamique parviendra à donner vie à un processus authentiquement révolutionnaire capable d’emporter toutes les défenses d’un système socio-politique disqualifié. Le pire est clairement possible jusqu’à une disparition cataclysmique de toute civilisation. Mais le meilleur est à portée de main, si nous nous mettons toutes et tous à le rendre inéluctable. C’est ce à quoi IC veut travailler.
Une évolution révolutionnaire d’une telle ampleur ne se décrète pas. Elle réclame une organisation appropriée. Centré sur la vie électorale et la gestion institutionnelle, organisé de manière hiérarchique, le parti vertical ne peut convenir pour développer l’autonomie d’initiatives généralisée dont nous avons besoin pour transformer directement et concrètement la vie sociale. Le mouvement strictement horizontal ne fait pas plus l’affaire. Évanescent, sans colonne vertébrale politique, il est incapable de poursuivre une visée cohérente dans la durée, avec énergie et esprit de suite. En carence d’anticorps démocratiques et en déficit de portage collectif, il est à la merci des chefs charismatiques, des ambitions personnelles et des entreprises autoritaires. Nous appelons donc à l’invention d’un mode inédit d’organisation que nous nommons provisoirement moteur d’initiatives, et qui serait agencé selon le principe organisationnel de l’horizontalité centralisée. Il s’agit d’initier la formation d’un vaste réseau durable de collectifs thématiques, conçus comme des libres associations politiques de personnes, chacun travaillant en toute autonomie à la transformation postcapitaliste d’un domaine spécifique de la vie sociale. En s’emparant de sujets divers (par exemple, la généralisation de la cotisation sociale comme moyen de communiser le pouvoir économique, démocratisation l’économie par l’éviction des actionnaires, l’extension de services publics démocratisés comme moyens de répondre par nous-mêmes à nos besoins sociaux, ou encore la démocratie repensée comme conduite commune de la société par les citoyennes et citoyens associé.es), ces collectifs thématiques mèneraient des campagnes suivies pour faire progresser dans la société des idées et des propositions postcapitalistes et contribueraient au développement des espaces de vie en rupture avec le système. Afin de produire une dynamique politique cohérente, ils travailleraient dans le même temps à se lier entre eux et à interagir les uns avec les autres pour constituer un espace de centralité politique. Cette centralité sans pouvoir de direction aurait pour rôle de coordonner l’action, faire circuler l’information, mettre à l’étude les difficultés rencontrées, expérimenter les solutions possibles. Nous sommes lucides. Ce que nous lançons n’est qu’une initiative parmi d’autres, aux forces encore modestes. Mais pour autant, nous assumons et nous revendiquons la grande spécificité politique de notre entreprise et son énorme ambition de transformation révolutionnaire. Dès à présent, nous souhaitons
retrousser nos manches et nous y mettre en suscitant la création d’autant de collectifs thématiques qu’il sera nécessaire, en travaillant sans exclusive, à partir de la visée postcapitaliste et de la stratégie d’évolution révolutionnaire, à la convergence des initiatives de même orientation et enfin, en œuvrant à la coordination et à la montée en généralité politique de l’ensemble de ces forces vers la production d’un ensemble de réformes révolutionnaires.
La participation à « Initiatives Capitalexit » n’est exclusive d’aucune autre visée compatible, partisane, syndicale ou associative. Venir y travailler n’exige aucun examen d’admission mais seulement une ferme adhésion à la tâche ici définie et l’engament de respecter toujours les principes de la démocratie majoritaire. Nous même, qui nous lançons aujourd’hui dans cette aventure, venons d’horizons divers et ne sommes pas d’accords sur tout. Les désaccords seront fréquents mais une saine coopération
dans un esprit sororité et de fraternité politique sera engagée entre les différents collectifs, en vue de dessiner la meilleure voie possible vers notre émancipation. IC
n’est synonyme d’aucune orthodoxie ancienne ou nouvelle, mais rêve yeux grand ouverts d’opposer au drame sans nom où nous courons la quête d’une issue exaltante enfin candidate au succès.